Raw pour matière première et crudité, War pour ce qui nous menace et embrase le monde. Raw War : ce sont les mêmes lettres, inversées. Le titre est inspiré d’une œuvre aux néons de Bruce Nauman, datant de 1971.
La proposition prend source dans la décision de montrer l’un des volets du triptyque De la guerre, dernière œuvre du peintre Claude Panier (1956-2021). Basé sur les scènes de batailles de Paolo Uccello, ce triptyque monumental convoque l’histoire picturale dans sa capacité à restituer la violence de guerre, singulièrement dans l’offense qu’elle fait au corps des femmes. Peint dans et sur un support de paraffine, dominé par le rouge, le triptyque abîme l’héritage pictural des injures faites aux terres comme aux corps. Griffures, coulures, affaissements, démembrements : l’œuvre ne désespère pas pour autant des capacités des gestes, matières et signes à faire opposition à l’horreur.
En dialogue avec l’un des volets du triptyque (celui désigné comme Scènes primitives, comme une source donc), sont invitées quatre propositions qui, toutes, volontairement ou non, ont trait aux héritages artistiques, mobilisés dans une formulation des violences guerrières à l’acte aujourd’hui :
De Camille Dufour (°1991, Be), Lavandière de la nuit # 3, 2019 : c’est une gravure sur bois de grand format dont nous montrons la matrice de même que plusieurs tirages suspendus en cônes, tirages puisés à cette matrice, jusqu’à épuisement de l’encre. L’iconographie, inspirée de celle de l’Apocalypse, multiplie et agence les scènes de destruction habitant la réalité moderne et contemporaine, tout en mobilisant les héritages de Goya, des expressionnistes allemands, de la gravure de guerre.
D’Hanane El Farissi (°1990, Ma), Destroy, and the time to start over, 2021 : un diptyque qui est en réalité le fragment d’une exposition conçue pour Moussem Gallery. Ce sont deux dessins dont le fond est traité en un lavis dense et mouvant. Une topographie grisâtre arpentée de contours noris. Sur ce fond, un dessin à la plume, au trait, bleu. Ce sont des images de guerre, des architectures en ruine, des maisons trouées et affaissées. Puisées à des images d’actualité, ces représentations puisent aussi aux scènes narratives de Hieronymus Bosch, dont les allégories de l’enfer en particulier ont fortement imprégné la pratique du dessin d’Hanane El Farissi.
Michel Lorand (°1961, Be) est un artiste vidéaste. De son vaste corpus, l’exposition Raw War propose Full Moon Rising (2015), une boucle de 15 minutes, hantée par le bruit du vent. Pendant tout le film, une caméra nocturne filme le parcours de la lune, retransmis sur l’écran du coin inférieur gauche au coin supérieur droit. Ce trajet se superpose à des images de guerre pour que, finalement, le chemin de la lune se dépose dans la plaie d’un impact de balle trouant la poitrine d’un enfant. Une vidéo comme hallucinatoire qui agence le cycle astral à celui de la catastrophe et du crime, dans une texture filmique crue rappelant les représentations médiatisées des théâtres de guerre.
Sabrina Montiel-Soto (°1969, Ve) est née au Venezuela. Elle vit et travaille à Bruxelles depuis 2012. En 2022, elle proposait dans les souterrains du palais du Coudenberg, une exposition intitulée Curiosa, investigation des sources de l’exotisme, inscrit dans la conquête des Amériques, comme dans les données intrinsèques à la civilisation de la Renaissance et, par suite, de la modernité européenne. De cet ensemble, nous montrons Perspectiva lineal de un loro, « Perpective linéaire d’un perroquet ». Un ensemble de cadres « cible » la figure d’un perroquet empaillé. Le travail perspectif, enjeu majeur de la peinture à la Renaissance, est ici saisi dans ses enjeux de conquête territorial comme de la construction d’un imaginaire saisissant un « ailleurs » dans le cadre de sa représentation.
En pratique :
▪ 26.09 > 12.10
▪ Opening 26.09 18.00-21.00
▪ Expo accessible les samedis et dimanches entre 14.00 et 18.00, ainsi que sur rdv ()
▪ Visites guidées par le curateur les 27.09, 05.10 et 11.10 à 15h
▪ Adresse : Atelier Claude Panier - rue Cornet de Grez, 17. 1030 Bruxelles
Samedi 11.10 16h > 17h : rencontre avec Déborah V. Brosteaux
Déborah Brosteaux est philosophe (ULB). Elle vient de publier, au Seuil, le livre Les Désirs guerriers de la modernité (2025). Adaptation de sa thèse de doctorat, le livre examine l’imaginaire de la guerre dans la culture du Xxe siècle. Imaginaire où l’effroi et l’écœurement côtoient le désir et la sensation du sublime. Déborah Brosteaux nous fait le plaisir de mobiliser les fruits de sa recherche en dialogue avec les œuvres et les artistes de l’exposition.