Détournement(s)

L’art ne prend de sens que par ses relations au monde. Il a beau être point de vue, point de fuite ou point final, l’essentiel est qu’un point c’est tout. Mais l’œil de l’arpenteur à force de jauger juge mieux que les autres. Il en est un qui depuis cinquante ans s’évertue à mettre les traits d’unions en boîte. Pierre Courtois aime la nature, les jalons, les mires, les traits de poudre et la couture. Alors comment pourrait-il ignorer que la beauté naît surtout du détournement ? Lautréamont ne voyait-il pas la grâce dans les rencontres fortuites entre les parapluies et les machines à coudre ? Courtois le sait fort bien, lui qui détourne le bon sens au gré d’œuvres qui aiment la mesure sans mesure.
Voyez ces consoles aux murs, elles sont d’un vert billard qui évoque d’hypothétiques jeux de trajectoires. Et c’est là que le bon sens cède sa place à la poésie. Le mur devient la terre d’élection de nouvelles conceptions spatiales. Ces petites architectures oniriques se jouent des exégèses. Faites de bois et de verre, de mires, de pointillés, de pinnules ou d’articulations de piano, elles aiment les angles aigus, ce que trace le compas ou délimite le cordeau. Ce n’est pas un hasard si Pierre Courtois voue une telle adoration pour les mystères de la boîte. Il sait ce qu’elle révèle, cache, transforme ou muséifie. Bref, ce qu’elle détourne. Il y a dans les boîtes de Courtois de quoi philosopher sur l’articulation des choses et la trajectoire du sens. Quant aux œuvres qui évoquent la couture, elles obéissent au credo qui voit la droiture épouser toutes les courbes. Belle invitation à prendre la tangente !

Olivier Duquenne