Première exposition des oeuvres de Philip Wittmann, artiste bruxellois.
--------------------------------
SIGNES In-Signifiants ?

Soit un amateur d'art, il aime parmi d'autres les traits sur papier de Dotremont ou d'Alechinsky. Il les aime, il est attiré par eux car lui-même a toujours joué de tracements... Soit aussi, le même, fasciné par l'écriture chinoise, par son apparente faculté à dessiner ce qu'elle exprime tout en montrant d'abord une mobilité élégante dans le tracé au pinceau...

N'est-ce pas des pas et des traces que l'humanité s'est mise en marche ? Des philosophes (Jacques Derrida, Max Loreau - ce dernier proche des deux artistes cités plus haut) ont montré ça, avant tout langage formé, culturel, avançant vers notre naissance dont les parois de Lascaux témoignent pour notre éblouissement...

Comme tout artiste qui cherche dans l'art une régénération, Philip Wittmann s'y met à son tour, un tour qui ne restera pas tributaire de ceux qui l'ont d'abord attiré. Il se méfie des illusions de la spontanéité comme de l'ensauvagement, une mise en garde peut-être issue de son activité professionnelle : il est un homme d'entreprise. Mais il ne renonce pas pour autant à la liberté du tracement... Comment faire ?

Sur papier toujours, Wittmann trace au pinceau, comme avec un stylo pour écrire alphabétiquement, dit-il. Et il le trempe dans l'encre de chine, souvent noire, parfois de couleur, parfois au brou de noix...

En parallèle avec ses premiers essais, au hasard mais aussi à la suite de ses fascinations passées, après une période de tâtonnements, il voit alors se dégager des tracés récurrents. Il les met dans des cases régulières qui ressemblent à un tableau de Mendeleïev, mais dont il s'aperçoit qu'elles constituent comme un alphabet. De celui-ci, il fait non pas des mots ou des phrases qui auraient une signification précise, trop définie, mais l'exposition d'un désir, celui d'offrir au regard des signes sinon énigmatiques, en tout cas ouverts à la fantaisie du spectateur

Apparaissent alors ces tableaux-signes, issus de jeux à la fois structurés et arbitraires de combinaisons imaginaires, des enchevêtrements aux dessins aussi joyeux que scrutateurs dont les titres, tel "La jouissance face à la décision", provoquent notre perplexité enjouée.

Voici les Signes insignifiants de Philip Wittmann : ils sont autant d'appel à notre libre déchiffrement - à notre plaisir esthétique.
Par Éric Clémens