Eloge de l'Altérité

 
« Éloge de l’altérité est un spectacle bâti autour de mon envie de partager une pensée.
Tout est parti de l’écriture d’une conférence – au sens classique. Titrée Conférence sur l’altérité, elle a été donnée au Théâtre Océan Nord, puis en Suisse, avant de paraître en dans un numéro spécial d’Alternatives Théâtrales. Ma position y est celle d’une metteure en scène qui rend compte de sa pratique, à partir de sa position singulière. Et pour moi, le metteur en scène se trouve au centre d’une constellation d’altérités: celle de l’auteur, de l’acteur, du personnage et du spectateur. Cet enchâssement de regards «autres» constitue, selon moi, la plus grande partie du travail. S’interroger sur l’altérité, c’est explorer en quoi la mise en scène s’enrichit des autres, comment elle les intègre, les inclut et en dépend.

J’ai décidé ensuite de transformer cette conférence en entretien, à la fois parce que je trouve ça plus vivant mais aussi pour introduire une idée de transmission. Pour cela, je me suis inspirée de l’Abécédaire de Gilles Deleuze qui est interviewé par une ancienne étudiante à lui. J’ai donc proposé à Bogdan Kikena, un jeune metteur en scène qui a été mon étudiant et mon assistant à l’INSAS, d’être mon interlocuteur.

Deux ans ont passé et, au bout du compte, ce spectacle, dont le sous-titre est Conférence-spectacle théâtrale et musicale, se présente comme un voyage dans lequel entretien, conversation, récits, fiction et musique dialoguent constamment. Aux côtés des comédiens avec qui je partage le plateau – Chloé Winkel, Francesco Italiano, Paul Camus, Amid Chakir, Bogdan Kikéna – Jean-Luc Plouvier, au piano, y tient, dans cette perspective, un rôle très important.

Dans le spectacle, il y aura d’abord un premier entretien introductif autour de la formule «Le théâtre, art de l’autre» et de la raison pour laquelle je crois que l’expérience théâtrale se structure à partir du concept d’altérité.

Ensuite, le deuxième entretien tournera autour de l’altérité de l’auteur et développera l’idée de la nécessité d’une profonde immersion dans son univers, d’une véritable rencontre avec un autre regard sur le monde que le mien, à partir d’un concept très important pour moi qui est celui de l’étonnement. Une rencontre qui permet par ailleurs de me connecter à mes propres désirs. Cette idée amènera la première bascule théâtrale du spectacle, autour de Bernard-Marie Koltès et de sa relation à l’Afrique qui a considérablement influencé la mienne, mais de manière inconsciente et très mystérieuse. Cette rupture se construit autour d’une très belle lettre adressée à sa mère quand il a 17 ans, d’un extrait d’interview et d’un monologue tiré de Combat de nègre et de chiens.

Le troisième entretien est consacré à l’acteur. Il rend compte d’une altérité qui a complètement déterminé ma manière de faire du théâtre par l’élaboration d’une méthode dans laquelle la singularité de chacun est déployée. L’écoute profonde de ce que propose l’acteur éveille en moi des zones de création qui seraient restées inaccessibles sans lui. Cet entretien débouchera sur un récit personnel très important pour moi et que je préfère ne pas dévoiler ici.

Le quatrième entretien porte sur le personnage. Il se découpe en trois parties: le personnage en tant que relation au réel, en tant que porte vers l’imagination et comme exigence d’un monde intérieur qui est le secret de l’acteur. Dans cette partie, la fiction prendra véritablement le pouvoir à partir d’un chapitre de Vie et Destin de Vassili Grossman.

Le cinquième entretien parlera du spectateur dont je pense qu’il est avant tout un inconnu dont on ne peut mesurer ni les capacités intellectuelles, ni la culture et auquel je fais toujours confiance. C’est, pour moi, le rôle du spectacle et de la mise en scène de transformer cet inconnu en spectateur.

Il devrait a priori exister un sixième entretien, mais je l’ai transformé en une scène très onirique et théâtrale qui sera le final du spectacle.

Mon espoir, c’est que le spectacle ne raconte pas simplement une manière de travailler au théâtre, mais s’ouvre aussi à d’autres champs. Quand nous avions travaillé sur la notion d’altérité dans le cadre du Studio d’acteurs, des spectateurs œuvrant en pédagogie ou en psychologie nous ont dit: «C’est étonnant, on a l’impression que vous parlez de nous aussi !». Je souhaite que le travail dans le champ artistique puisse inspirer d’autres personnes qui n’y travaillent pas nécessairement, pour continuer à forger une «intelligence collective». Oui, je suis animée par ce désir de transmission, parce que je suis convaincue que le théâtre, et l’art en général, peut inspirer le monde. Ces univers ont aussi tout à gagner de l’altérité. »

Isabelle Pousseur
(au départ de l’interview de Laurent Ancion dans le Journal N°88 du Théâtre Océan Nord)

Conception et texte Isabelle Pousseur
Avec Isabelle Pousseur, Paul Camus, Amid Chakir, Francesco Italiano, Bogdan Kikena, Chloé Winkel & Jean-Luc Plouvier, piano
Accompagnement artistique & regard extérieur Guillemette Laurent – Assistante Alyssa Tzavaras – Scénographie Christine Gregoire – Création lumière Michel Boermans – Création son Laure Lapel – Création costumes et accessoires Laura Ughetto assistée de Solène Valentin – Chorégraphie Nadine Ganase – Régie générale Nicolas Oubraham
Avec la participation de Carole Adolff, Juliette Ban, Julien Beckers, Alice Borgers, Madeleine Camus, Romain Cinter, Magrit Coulon, Ozan Eken, Noé Englebert, Solange O’brayanne Muneme, Djo Ngeleka, Anthony Ruotte, Ibrahima Diokine Sambou (Papis), Souad Toughraï

Production Théâtre Océan Nord en coproduction avec La Coop asbl et Shelter Prod
Soutien Fédération Wallonie Bruxelles service Théâtre, Loterie Nationale, taxshelter.be, Ing et Tax Shelter du Gouvernement fédéral belge, Cocof ( Fonds d’acteur)

RENCONTRES

0 – Rencontre d’après spectacle : Michel Dupuis
Michel Dupuis, philosophe, est professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain (UCL), Bruxelles et président du Comité consultatif de bioéthique de Belgique.
Bibliographie sélective : Le soin, une philosophie spécifique – Seli Arslan, – Levinas en Contrastes – De Boeck, 1998

9/10 – Rencontre d’après spectacle : Koffi Kwahulé
Dramaturge et romancier, Koffi Kwahulé est né à Abengourou (Côte d’Ivoire) en 1956. Il s’est formé à l’Institut national des arts d’Abidjan, à l’école de la rue Blanche (Ensatt) et à l’université de Paris 3 – Sorbonne nouvelle où il a obtenu un doctorat d’études théâtrales. Il est l’auteur d’une trentaine de pièces traduites dans plusieurs langues. Il a reçu le grand prix de Littérature dramatique (France) et le prix Bernard Marie-Koltès () pour L’Odeur des arbres, publié aux éditions Théâtrales, et le grand prix Ahmadou Kourouma (Suisse) pour son roman Babyface, publié aux éditions Gallimard. Pour l’ensemble de son œuvre, il a reçu en le prix Édouard-Glissant (France), et en le prix Mokanda (Congo-Brazzaville).
Isabelle Pousseur a mis en scène L’Odeur des arbres aux Récréatrales de Ouagadougou en . Le spectacle le a été repris au Théâtre Océan Nord en .

Rue Vandeweyer 63/65, 1030 Bruxelles
1030 Schaerbeek
Tarif plein 12€, Tarif réduit 7,50€, Tarif étudiants en théâtre 3€
à partir de 10 ans

Cet évènement est terminé. Pour retrouver ce même évènement prochainement, faites une recherche sur le site.

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