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L’espace qui s’étend du jardin botanique à la rue des Guillemins est urbanisé à partir de la décennie 1830. Il devient le quartier résidentiel le plus en vogue de la ville et de nombreux hôtels particuliers y sont alors construits dans le style néoclassique. Autour de 1900, des propriétaires aisés entreprennent des travaux de modernisation de leurs immeubles, dans une quête prestige et de distinction. Des façades sont ainsi transformées ou reconstruites dans le style Art nouveau, qui innove par les matériaux (usage de décors en métal) et par les décors inspirés de la nature. Ce style est particulièrement présent dans les rues ouvertes à l’extrême fin du 19e siècle, comme la rue de Sélys et la rue Edouard Wacken. L’importance des commanditaires se traduit par une volonté d’opulence dans la composition des nouveaux immeubles. Ce n’est donc pas un hasard si le circuit va nous emmener à la découverte de plusieurs chefs-d’œuvre de l’architecture Art nouveau liégeoise, dont cinq façades classées. Nous découvrirons aussi que les grands architectes liégeois comme Victor Rogister, Paul Jaspar, Clément Pirnay ou Arthur Snyers ont chacun développé des expressions architecturales particulières.
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A la fin du 19e siècle, l’attrait pour la polychromie des matériaux ‘bruts’ impose des parements combinant des briques et des pierres de couleurs diverses. Cette façade transformée en 1902 par l’architecte Arthur Limage à la demande de la famille Delchef est donc très particulière dans le contexte liégeois. En effet, son décor de style Art nouveau est entièrement composé dans les enduits, comme cela se faisait en Europe centrale. Des lignes courbes en relief soulignent les encadrements des baies. Le décor de l’oriel ajouté lors de cette campagne de modernisation est également décoré de lignes organiques. Relevons par exemple les colonnettes d’angles. Le concepteur a peut-être été influencé par des décors similaires observés dans les villes allemandes proches…
Face au parc du Jardin botanique, cette seconde façade de l’architecte Micha date de 1910. Elle affiche une modernité toute empreinte de retenue et d’élégance. Plusieurs détails s’inscrivent clairement dans le répertoire esthétique de l’Art nouveau : vitraux en forme de fleurs stylisées, grilles de protection aux formes végétales (porte, soupiraux), décors en lianes aux extrémités des linteaux… Les panneaux en pierre bleue à la base de l’oriel sont incisés de lignes courbes en forme de vagues qui ressemblent à certains décors de l’architecte bruxellois Victor Horta.
Nous voici devant une nouvelle œuvre majeure de l’architecte Victor Rogister, construite en 1903 pour son ami le peintre J. Alexandre. Il est probable que ce dernier ait conçu les motifs des sgraffites : une frise de mouettes sous la corniche et une allégorie féminine de la peinture au centre de la façade. Comme sur les autres maisons de l’architecte, les détails décoratifs foisonnent : pierres sculptées en forme de têtes féminines, vitraux avec motif de cœur, boiseries finement ouvragées… Les ouvrants de la porte cochère combinent une répétition des trois cercles dans les panneaux de bois et une composition de vitrail en forme d’as de pique. Le raffinement des ferronneries doit à nouveau être pointé, par exemple au niveau des chasse-roues sont en forme de monstres stylisés.
Rogister et Jaspar, les deux maîtres de l’Art nouveau liégeois, dialoguent par façades interposées. De l’autre côté de la rue se trouve en effet une façade clé dans l’œuvre du second architecte, érigée en 1902 pour le médecin Janssens. Paul Jaspar y montre à nouveau son goût pour les références à l’architecture traditionnelle, comme les bandeaux en pierre bleue ou l’arc brisé de la grande baie au-dessus de la porte. Le toit plat témoigne toutefois de l’expérimentation de nouvelles solutions architecturales. Les boiseries sont traitées avec soin : la sculpture des décors végétaux des montants inclinés sous l’oriel a été exécutée avec une grande délicatesse. La composition géométrique de la balustrade du rez-de-chaussée évoque à nouveau les panneaux japonais. Attribuées au sculpteur Berchmans, les gargouilles sommitales sont particulièrement savoureuses, avec leurs bouches grandes ouvertes. Cette maison est un des premiers bâtiments liégeois de style Art nouveau à avoir été classé, dès 1987.
Notre visite se termine en apothéose devant une façade originale aujourd’hui protégée comme ‘patrimoine exceptionnel’ de Wallonie. Cette maison avait initialement été conçue en style néoclassique au milieu du 19e siècle. A l’image des immeubles voisins, elle était alors organisée de façon rigoureuse en trois travées aux fenêtres identiques. En 1901, une vaste campagne de modernisation est entreprise sous l’égide de l’architecte Paul Comblen. Tout comme l’intérieur, la façade est alors transformée pour recevoir un décor Art nouveau. L’influence du courant géométrique domine la conception des châssis et des vitraux. L’assemblage des ferronneries de la grande baie du rez-de-chaussée a fait l’objet d’un soin particulier. Pour casser l’ancienne symétrie, un sgraffite a également été appliqué entre deux fenêtres du premier étage. Il représente les trois Moires ou les trois Parques, soit les déesses antiques représentant les trois âges de la vie : la première en compose le fil, la seconde le déroule et la troisième le coupe.